Vendredi, 22h. Emmanuel Macro reconduit Sébastien Lecornu, son Premier ministre démissionnaire, son « moine soldat » qui jurait avoir terminé sa mission. Après une série de désaveux et d’échecs successifs, le président persiste et signe : il gouvernera avec les siens, envers et contre tous. Fidèle à lui-même, il préfère l’entre-soi au compromis, sa vision au débat, la droite à la réalité. Malgré le résultat des urnes, il refuse l’idée même d’une cohabitation et gouverne comme s’il avait encore la majorité : avec des macronistes.
Le gouvernement Lecornu I devait incarner la « rupture. » Résultat : treize ministres reconduits. On prend les mêmes et on recommence. Après tout, pourquoi changer une équipe qui perd ? Et c’est le budget de ce même gouvernement qui sera présenté lundi en conseil de ministres, comme si la crise politique n’existait pas, comme si la censure n’était qu’une rumeur, comme si le pays lui appartenait. Mais la crise est trop profonde. Le gouvernement sautera. Si ce n’est pas dans les prochains jours, ce sera dans les prochaines semaines. Ce n’est plus une hypothèse, c’est une évidence. Macron le sait, mais il s’obstine.
Difficile encore de s’indigner tant la situation a basculé dans le tragi-comique, puis dans le grotesque. Le spectacle du pouvoir tient désormais du vaudeville bureaucratique : on rit jaune et on bâille de désespoir devant cette farce de fin de règne. Le niveau de déconnexion, de désinvolture, de mépris tranquille pour la démocratie défie toute imagination. Et c’est précisément cela, le plus effrayant.
Ce président-là, qui se rêvait au-dessus des partis, n’est plus qu’un gestionnaire de la défaite. Il avait promis la « transcendance » du clivage gauche-droite ; il n’a su qu’en creuser la tranchée. Il voulait incarner la modernité, il incarne la fuite en avant. Chaque remaniement est un aveu : Macron ne gouverne plus, il colmate. Il ne convainc plus, il survit. Il n’écoute plus : il s’enferme dans une bulle d’arrogance et d’acharnement.
Tandis que Macron s’entête, le pays, lui, s’épuise. Et dans cette obstination, il se condamne lui-même. Les institutions ploient sous ses manœuvres, la confiance des citoyens dans la politique s’érode et les urgences sociales sont toujours plus nombreuses. La démocratie n’est pas un décor ni un théâtre pour les ambitions personnelles : elle exige confrontation, responsabilité, écoute. En persistant dans l’illusion, Macron ne fait pas que s’entêter : il signe son propre exil moral et politique, et laisse le pays suspendu à ses caprices.
Bonjour je vous renvoie à l’excellent numéro du 15 octobre du Un de Fottorino « Comment Macron a perdu la France »